La gestion des limaces est sûrement le principal sujet abordé entre jardinier.ères quand le printemps pointe le bout de son nez ! Elle est redoutée, surtout au printemps et à l’automne lorsque les jeunes plants de salades sont repiqués au milieu des planches de culture.


La limace est avant tout un recycleur de matière organique en décomposition. Elle se nourrit préférentiellement de plantes mortes, malades ou stressées (miam les jeunes plants repiqués fraîchement). Elle contribue à assainir notre jardin et à recycler la matière organique, prédigérée par les micro-organismes, pour la transformer en humus (comme nos amis les vers de terre, voir l’infographie en fin d’article).

 

Pourtant la limace est mal aimée, voir on cherche à l’annihiler. Pour bien la gérer au jardin, il faut déjà se mettre à sa place pour essayer de la comprendre. À partir de là, 6 méthodes préventives se présentent à nous pour gérer la présence de limaces de manière préventive et sauvegarder sa récolte. Passées ses 6 méthodes, les méthodes curatives s’appliquent : le mode “pompier” se déclenche, avec six techniques différentes également ! La méthode curative n’est pas une fin en soi, mais un moyen temporaire de gérer une situation problématique. À long terme, nous devons pouvoir “ne rien faire”, c’est-à-dire avoir créé un “écosystème jardiné” où la limace est à sa place sans pour autant poser de problème particulier.
Pourquoi ne pas faire alliance avec la limace au lieu de lutter contre elle ? C’est ce changement de paradigme que nous recherchons lorsqu’on travaille en agroécologie.

 

Voici donc les 6 méthodes préventives et les 6 méthodes curatives afin de gérer la limace au jardin !

 

Méthodes en préventif 🧑‍🌾 :

 

  • 1. Éviter la famine pour les limaces :

Il faut donc nourrir les limaces pour éviter qu’elles s’attaquent aux légumes fragiles ! Certains végétaux, comme les plantes adventices et les plantes limitrophes des cultures peuvent jouer ce rôle. Il est possible aussi de déposer les plantes issues du désherbage directement au sol, voire même de la tonte de pelouse en paillis (comme sur la photo ci-dessous). Ces matières seront alors pré-décomposées par des micro-organismes, des bactéries et des champignons. Les limaces termineront le processus de recyclage commencé par les micro-organismes, dont elles se nourrissent en partie.

Favoriser l’activité biologique du sol est tout aussi bénéfique, via l’apport de matière organique au sol, ou via la pratique des engrais verts.

La limace aura donc à sa disposition une nourriture prédigérée à décomposer en “humus”, et laissera les plantations tranquilles.

 

Légende : Une planche de culture avec des salades et des betteraves repiquées il y a 3 jours : aucun problème d’attaques de limaces, alors qu’elles sont bien présentes dans les jardins ! (le 25.03.2024 au Mas de Beaulieu).

 

  • 2. La régulation naturelle par les auxiliaires :

Les limaces sont le “plancton” des terres, tout un tas de bestioles s’en nourrissent. Une partie de la faune est même dépendante de cette ressource abondante.

Voici quelques-uns des prédateurs des limaces : carabes, staphylin, grenouilles, crapaud, orvet, lézard, certains oiseaux, musaraignes, hérissons, ver luisant etc.

Il est donc important d’avoir un jardin hospitalier au vivant, qui puisse accueillir les antagonistes des limaces. En agroécologie la régulation des ravageurs est avant tout faite par les auxiliaires sauvages : pour cela, il faut donc accepter d’avoir en permanence au jardin un petit peu d’espèces potentiellement gênantes. Sans prédateurs de limaces, c’est l’explosion des populations assurée. Il s’agit d’un équilibre écosystémique à trouver.

Une grenouille verte à l’ombre d’un jeune plant : une salade sous haute protection !

 

Des mares sont réparties dans plusieurs de nos jardins. 7 mares jalonnent les jardins pédagogiques vivriers du Mas de Beaulieu (600m2 cultivés). Il est courant de croiser des grenouilles au milieu de nos légumes.

 

  • 3. Arrosage de printemps ou d’automne plutôt le matin :

Les limaces préfèrent les ambiances humides et la nuit, il est donc préférable de privilégier l’arrosage matinal pour ne pas les attirer sur les plantations durant la nuit.
Lors d’une période de météo humide, on peut également retirer les paillis (aussi appelés « mulch ») pour ne pas favoriser la présence de la limace à proximité des cultures.

 

  • 4. Soigner les légumes, et éviter le stress lors du repiquage :

Une technique consiste à désherber ou laisser les plantes malades sur place, à proximité des cultures.

Les limaces sont attirées par les plantes qui sont “fragilisées”, car ces plantes seront moins capables d’émettre des molécules toxiques pour se défendre contre les attaques des limaces.

Le repiquage est typiquement un moment où les plantes sont susceptibles d’être “stressées” : elles passent d’une pépinière où elles étaient chouchoutées, au jardin avec des conditions extérieures “difficiles” (froid, vent, etc.). Il est donc important de bien soigner le repiquage de ses plants pour éviter d’attirer les limaces : un arrosage important, ne pas repiquer en plein soleil, manipuler les jeunes plants calmement, etc.

Des légumes fraîchement repiqués depuis la pépinière vers le verger-potager. De gauche à droite : salade, roquette et betterave.

 

  • 5. Répulsif (macération de rhubarbe)

La macération de rhubarbe est bien connue des jardinier.ères pour sa capacité à éloigner les escargots et les limaces. Cette méthode a une efficacité discutable, mais facilement testable !
Pour préparer la macération, il suffit d’immerger la rhubarbe coupée grossièrement dans un arrosoir ou un sceau pendant 24 heures à mi-ombre. Ensuite, la préparation est filtrée et pulvérisée rapidement. La macération ne se conservant pas, il est conseillé de privilégier des préparations de petites quantités.

 

  • 6. Accepter les limaces en leur laissant une part…

Les limaces ont un rôle dans l’écosystème, car elles font partie des décomposeurs. Grâce à elles, la matière organique (notamment celle provenant des plantes mortes ou malades) est recyclée et transformée en humus.

Lors du démarrage d’un jardin potager, l’équilibre ravageurs/auxiliaires prend un certain temps à s’installer. Dans nos jardins pédagogiques du Mas de Beaulieu, nous n’avons plus aucun problème de limaces, ou alors dans des cas très particuliers et rares. Dans ces situations, nous acceptons la présence de limaces et lui laissons sa (petite) part !

 

En attendant que votre potager devienne un vrai écosystème équilibré, voici quelques méthodes, plus ou moins efficaces, pour gérer la limace en urgence.

 

Méthodes en curatif, le mode pompier 🚒🧑‍🚒: 

 

  • 1. Ramassage manuel nocturne et diurne :

Laisser des planches ou des cailloux plats à proximité de vos cultures pour faciliter le ramassage dans la journée des limaces qui se sont réfugiées dessous (au frais et à l’obscurité, tout ce qu’elles aiment !).

Quoi en faire par la suite ? À vous de voir, mais soyez clément envers ses recycleurs du vivant.


  • 2. Un élevage de canard coureur indien ou des poules :

Élever des canards coureurs indiens, un canard social et particulièrement adapté à la régulation des limaces. À l’instar de la poule, ce canard ruinera moins votre potager !
Pour aller plus loin, consultez le livre “Le Canard coureur indien, votre atout pour un potager sans limaces” de Damien Dekarz.

 

  • 3. Le fameux piège à bière, mais pas n’importe lequel !

La bière attire la limace, c’est connu depuis un bon paquet de siècles.

Dans ce cas, il est conseillé de privilégier une bonne bière, qui aura un odeur plus forte et donc attirera d’autant mieux les gastéropodes locaux.

🛑 Attention à installer des pièges sélectifs ! Autrement ce sera une hécatombe de noyades diverses et variées, notamment des auxiliaires de vos limaces (comme les carabes), et la technique deviendra contre-productive.

Je vous conseille des pièges posés au sol, où la limace va devoir monter sur le piège avant d’atteindre la bière. Vous pouvez utiliser des boites de glaces en plastique par exemple (en prenant soin de découper des trous en partie haute), ou vous procurer des modèles du commerce (voir la photo ci-dessous). Il faut penser à couvrir le piège pour éviter l’entrée de l’eau de pluie ou la visite d’autres grands animaux, comme le hérisson qui pourrait s’y noyer. Enfin, visitez et entretenez vos pièges tous les jours.

Le piège à bière peut aussi avoir un effet un contre-productif en attirant beaucoup de limaces proches de vos cultures !

Piège à limaces sélectif

 

  • 4. La barrière mécanique :

En effet, les limaces détestent passer sur des éléments tranchants ou pulvérulents. Différentes matières peuvent être utilisées, pour des résultats peu probants : cendre, marc de café, coquilles d’œufs broyées…

La cendre est à renouveler régulièrement, ce qui présente un fort risque de salinisation du sol. En effet, les sels minéraux de la cendre vont s’accumuler petit à petit jusqu’à des doses potentiellement toxiques pour les plantes (c’est surtout vrai pour la partie sud de la France, notamment en climat méditerranéen). La cendre est donc à éviter en agroécologie où l’on privilégie un sol vivant (sauf à passer par le compost).

Pour les jeunes plants ou les semis directs, il est possible d’utiliser une bouteille en plastique coupée afin de les protéger.

De plus, la limace redoute certains paillis (sauf à avoir très faim) : fougère, feuille de tanaisie broyée, feuille de chardon…

Pour protéger les plaques de semis en pépinière, il est possible d’immerger les pieds de la table à semis dans des verres d’eau. Ainsi, la limace ne pourra pas remonter sur la table à semis.

 

  • 5. ☠️ Granulé bleu à base d’orthophosphate de fer (marque commerciale connue : le “Fer ramol”) :

Cette molécule permet de couper l’appétit de la limace qui meurt donc de faim. Cependant, je déconseille cette utilisation car, en effet, elle provoque un phénomène de bioaccumulation chez les auxiliaires. Cette molécule s’accumule donc dans les organismes des prédateurs. Une intoxication suivie d’une disparition des prédateurs des limaces est à craindre ! Utilisés fréquemment, ces granulés perturbent le fonctionnement des milieux, ce qui provoque inévitablement des effets secondaires ou collatéraux qui déséquilibrent l’action des auxiliaires.
Cette solution est une mauvaise adaptation car elle finit par empirer le problème ou vous rend dépendant de cette méthode.  En agroécologie, on cherche à créer un écosystème équilibré, où les prédateurs des limaces sont présents en grand nombre. Ainsi, pour assurer leur présence, on accepte aussi la présence limitée de la limace.

 

  • 6. Argent colloïdal :

C’est une solution très diluée d’ion argent dans de l’eau. La pratique a montré que cette solution bloque la ponte des limaces. La solution est disponible en pharmacie, puis diluée avant son utilisation (0,2 L pour 100 L d’eau). Elle est ensuite pulvérisée au sol.

Source pour cette méthode : le livre « Les alternatives biologiques aux pesticides – Solutions naturelles au jardin et en agriculture » d’Eric Petiot.

 

 

En conclusion, voici les pratiques que je mets en place personnellement :

  • Nourrir les limaces en éparpillant des tas de matière végétale en décomposition. Mon jardin n’est pas « propre », mais je le trouve très beau.
  • Favoriser un maximum la biodiversité au jardin.
  • Si besoin, ramassage nocturne, ou le matin sous les planches.
  • Laisser faire.

 

 

Ressource complémentaire : 

– Infographie sur le ver de terre commun :

– Le livre « Jardinez avec les insectes – Comprendre, prévenir, attirer et contrôler les invertébrés au jardin » par Vincent Albouy.

La référence en ce qui concerne « le faire avec la nature ». Un ouvrage pratique, indispensable pour attirer et favoriser un maximum de biodiversité dans le jardin ! Car un écosystème riche et dynamique c’est l’assurance d’un jardin équilibré et en bonne santé 🐞 .

Un guide vraiment complet pour les jardinier.ères amateur.rices et expérimenté.es, où vous y trouverez, entre autres, des conseils précis et détaillés afin de gérer au mieux les populations d’espèces gênantes.

Un classique pour un jardin vivant et productif !

– La vidéo culte : Gestion holistique des limaces, par Hervé COVES 

– Un tuto simple et efficace pour vidéo “Accueillir la biodiversité au jardin”, par Arnaud Vens

– Le livre « Les alternatives biologiques aux pesticides – Solutions naturelles au jardin et en agriculture » par Eric Petiot et Patrick Goater.

– La conférence “Ré-ensauvager le jardin” par Hugues Mouret, de l’association Arthropologia, enregistrée au Salon Primevère en février 2024.

 

Se former : 

– Notre formation “Réussir son potager agroécologique” du mois de mai 2024 (la formation du mois d’avril est complète)

 

 

  Rédacteur : Arnaud Vens. Animateur & Formateur en agroécologie. 

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