Les arbres façonnent nos paysages et assurent d’innombrables fonctions. En particulier, les haies ont une importance majeure pour la biodiversité. Pourtant elles disparaissent inexorablement. Près de 70% des haies ont disparu depuis 1970. Le linéaire de haies est ainsi passé de 2 000 000 de kilomètres au début du XXe siècle, à 600 000 kilomètres dans les années 2000. La tendance ne s’est pas inversée : les haies et les bosquets ont encore perdu 24 000 hectares en moyenne par an entre 2006 et 2014 [1]. Chaque année, et malgré les aides à la plantation, ce sont encore près de 20 000 kilomètres qui disparaissent.

Les causes sont diverses, l’une des principales raisons est l’effet des remembrements des terres agricoles successives depuis les années 1940. C’est aussi le manque ou l’absence de restauration de l’existant par manque de moyens humains, notamment du fait de l’effondrement de la population agricole en France (2% d’agriculteur dans la population active aujourd’hui, contre 30% dans les années 1940).

Voici ci-dessous une comparaison aérienne dans la campagne entre Rennes et St-Malo entre 1960 et aujourd’hui. Le remembrement est bien visible d’un simple coup d’œil. Le linéaire de haie et les arbres isolés agroforestiers ont fortement diminué.
https://remonterletemps.ign.fr/comparer

 

La haie, des fonctions écologiques innombrables

Voici quelques fonctions essentielles des haies : infiltration et rétention des eaux pluviales, protection contre l’érosion et les aléas climatiques, filtration des polluants, production de biomasse pour les sols et de bois énergie, gîte et corridor pour la biodiversité, fraîcheur grâce à l’évapotranspiration…

 

Une haie ce n’est pas
Une haie n’est pas un alignement d’arbres monospécifiques. Par exemple, un linéaire de thuyas n’est pas une haie, mais un alignement d’arbres d’une seule espèce. Ce linéaire n’a que très peu de fonctions écologiques.
Une haie est une communauté végétale. Elle est composée d’arbres, d’arbustes, de buissons, de lianes et de plantes basses. Elle est composée de différentes strates végétales qui possèdent chacune leur flore et leur faune spécifique. [2

 

La haie idéale

La haie idéale n’existe pas, chaque haie offre des potentialités différentes pour son écosystème environnant. On peut bien-sûr donner quelques recommandations pour concevoir une haie qui remplira amplement toutes ses fonctions écologiques. 

La haie est composée de 3 strates principales. Chaque “étage” est important car il accueille des animaux et des plantes spécifiques.

  • La strate arborée. Constituée d’arbres de plus de 10 mètres. Ceux-ci sont espacés d’au moins 8m.
  • La strate arbustive. Constituée d’arbustes et arbrisseaux.
  • La strate herbacée. Constituée de nombreuses espèces à floraison étalée sur l’année, graminées, fleurs sauvages…

La strate cryptogamique et la strate hypogée correspondent à la surface du sol (lichens, mousse, champignons…) et au sous-sol (racines, rhizomes, mycélium…).

Ci-dessous voici un exemple de haie champêtre, vue dans sa largeur, avec les 3 strates principales, arborée au centre, arbustive de chaque côté et enfin herbacée de part et d’autre de la strate arbustive.

Une haie hospitalière vue dans sa largeur

 

Une haie large demandera moins d’entretien, notamment moins de taille, tout en remplissant plus de fonctions. Les arbres et arbustes se portent mieux lorsqu’ils poussent côte à côte. Un arbre n’a pas besoin d’être taillé, cependant pour nos usages et selon les fonctions souhaitées cela peut être nécessaire. Plus une haie sera large plus elle sera robuste dans le temps et face aux perturbations extérieures (sécheresses, tempêtes etc.).
A minima on privilégiera deux lignes principales d’arbres implantées en quinconce. Entre les arbres de hautes tiges, on complètera avec des arbustes. De chaque côté, prévoir une bande enherbée permanente d’environ 2 mètres, fauchée à minima 1 fois par an pour la maintenir en strate herbacée.

 

Les haies indispensables à la circulation de la biodiversité

La haie est un élément majeur pour la circulation de la faune, elle permet de relier entre eux les différents habitats d’un territoire. Les haies sont de véritables corridors écologiques, appelés aussi trame verte.
La faune a besoin d’un maillage dense et d’un réseau de haies ou de bosquets pour circuler. La haie sert de lien entre les éléments du paysage en connectant les différents habitats entre eux.

Par exemple, les carabes ne chassent pas à plus de 25 m d’une haie. D’où l’importance d’un réseau bien développé.

 

Augmenter les potentialités d’accueil de votre haie

Pour augmenter les potentialités d’accueil de la biodiversité dans la haie, on peut y ajouter des aménagements ou tout simplement laisser du bois mort au sol. Des talus, des tas de pierres ou n’importe quel “accident” de terrain est un potentiel biotope de plus pour rendre votre haie encore plus hospitalière au vivant. Faîtes jouer votre imagination !
Les jeunes haies présentent très peu de possibilités pour les oiseaux ou les chauves-souris de nicher, car seuls les vieux arbres présentent des cavités susceptibles d’accueillir une grande variétés d’espèces. La mise en place de nichoirs permet de combler le manque de sites favorables [3].

 

Une haie sèche au Mas de Beaulieu. On y accumule les tailles de nos haies d’une année sur l’autre.

 

Les haies, une oasis de vie

“ Les végétaux qui composent la haie sont essentiels pour la petite faune sauvage. Chaque espèce animal occupe une niche écologique suivant des différentes strates végétales. Au pied de la haie, le hérisson, la belette, le mulot, le campagnol, la grenouille agile, le crapaud commun évoluent dans la banquette herbeuse, alors que l’accenteur mouchet se tient dans l’ombre, recherchant au sol des petits invertébrés terrestres. Le pouillot véloce niche lui aussi au sol, son nid étant bien caché sous une touffe d’herbe ou dans la litière de feuilles. Localement, le lapin de garenne et la perdrix grise aiment se cacher au pied de la haie.

A mi-hauteur (à partir de 50 cm au-dessus du sol), c’est dans l’entrelacement des branches des buissons et des ronces que le muscardin place son nid tout rond constitué de brindilles. Ce petit rongeur passe avec agilité de branche en branche. Le merle noir place son nid dans l’enfourchure d’une branche alors que le bruant zizi construit son nid à faible hauteur, dissimulé dans le fouillis des branches. Les feuilles des arbustes sauront héberger les chenilles de papillons.


Un peu plus haut, au-delà de 1 mètre, le verdier d’Europe, le chardonneret élégant, la linotte mélodieuse et le pinson des arbres pourront à leur tour construire un nid.

C’est dans la frondaison des branches que la tourterelle des bois et le coucou gris aiment se poster pour chanter, endroit qui, lors de la floraison des arbres, attire de nombreux insectes et que l’écureuil roux utilise comme passerelle d’un bosquet à l’autre.” Revue nature par la LPO : Arbre et Haie, refuge pour la biodiversité. Printemps 2024. [2]

 

Choix des essences pouvant être utilisées pour une plantation de haie champêtre
Voici un tableau proposé par la LPO dans leur publication, disponible ici : “Favoriser la biodiversité dans ses vignes

 

Quelques conseils par l’Office Français de la Biodiversité et l’association Arthropologia : 

  • Privilégier des espèces adaptées aux conditions particulières du sol du site concerné (humidité, sécheresse, fertilité…),

 

  • Planter entre 5 et 15 essences différentes, éviter qu’une essence ne domine à plus de 30%,

 

  • Intégrer des essences supportant des conditions de sécheresses plus importantes pour adapter votre haie aux changements climatiques (Aller plus loin : voir le livre “Des arbres pour le futur, Mémento du planteur pour 2050”, par Yves Darricau)

 

 

  • Varier les essences au feuillage caduque (feuilles qui tombent en hiver), marcescent (feuilles mortes conservées sur l’arbre une partie de l’hiver, comme le charme) et persistant (feuillage permanent),

 

  • Les végétaux sauvages d’origine locale sont issus de régions biogéographiques au sein desquelles ils ont évolué ensemble. Du fait de cette longue coévolution avec la faune et la flore locales, ils contribuent au bon fonctionnement et à la résilience des écosystèmes, et sont appropriés pour la restauration des haies. On espère que la diversité génétique qu’ils renferment leur permettra de s’adapter aux changements climatiques.

 

  • Quoi de mieux que de copier l’existant ? Proche de chez vous, cherchez une haie spontanée ou une lisière de forêt et observez les essences naturellement présentes. Vous trouverez sûrement de tout jeunes arbres et arbustes spontanés.

 

  • Enfin, laissez grimper les lianes et plantes grimpantes locales comme le lierre. Ce dernier ne tue pas les arbres, il s’en sert simplement de support. Le lierre est surtout un formidable « atout biodiversité ».

Une haie au centre du Verger-Potager du Centre Agroécologique de Terre & Humanisme. Orientée Est-Ouest pour ralentir le mistral, un vent fort et séchant sur notre territoire. Essences : Néflier du japon, Troène, Bouleau, Sureau, Luzerne arborescente, Tamaris, Poirier …

 

Opter pour une haie spontanée sans effort ?

Ce type de haie a beaucoup d’avantages, à commencer par son coût, mais il faut être patient !
L’association Arthropologia répertorie 4 manières d’installer sa haie spontanée :  

    • Développement d’une haie sans aucune intervention
    • Technique de la « Haie de Benjes »
    • Apport de mulch carboné
    • Coupler spontané et plantation et/ou bouturage

Pour en savoir plus voir le document “Mise en place de haies spontanées – Étapes & intérêts

⚠️ A savoir : Du 16 mars au 15 août, il est interdit de tailler les haies pour préserver les nidifications. Idéalement on taille les haies en début d’hiver après la chute des feuilles, jusqu’au mois de février avant les montées de sèves.

 

Ressources complémentaires :  

[1] Guide l’essentiel sur la haie. 2023. Office Français de la Biodiversité

[2] Revue LPO Arbre et Haie, refuge pour la biodiversité. 2024.

[3] Favoriser la biodiversité dans ses vignes – LPO (Ligue pour la Protection des Oiseaux). 2021.

– Arthropologia. Des haies pour la biodiversité. 2021.

– Dominique Soltner, Planter des haies, Sciences et Techniques agricoles. 2018, p.184 

– Dominique Mansion, Guide pratique des trognes. 2022.

– OFB. Gérer durablement ses haies et en créer de nouvelles

🧑‍🏫 Formation “Accueillir la biodiversité au jardin chez Terre & Humanisme”, le 26 mai 2024

 

Rédacteur :  Arnaud Vens. Animateur & Formateur en agroécologie.

 

 

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