La pédogenèse
Il y a plusieurs millions d’années, le sol a pris forme à partir d’un processus appelé pédogenèse. Initialement, la terre était en partie constituée d’un minéral appelé « la roche mère », provenant de diverses sources telles que le schiste, le grès, ou le granite. Au fil du temps, cette roche a subi des altérations mécaniques et physiques, notamment par le gel et le dégel, ainsi que par l’érosion éolienne. De plus, elle a subi des altérations chimiques, telles que l’hydrolyse due aux précipitations.
Ces actions combinées ont provoqué la fragmentation, la fissuration et l’effritement de la roche mère. Par la suite, les premières plantes pionnières (fougères, lichens.) ont trouvé des conditions idéales pour s’installer, et elles ont contribué à la fragmentation de la roche grâce à leurs racines. Ces plantes ont poursuivi l’altération physique en élargissant les fissures déjà présentes.
Les racines des plantes ont également libéré des ions H+ très acides, contribuant ainsi à l’altération chimique de la roche mère. En mourant, ces végétaux ont apporté de la litière, une couche composée de matière organique fraîche, telle que des feuilles mortes, des débris végétaux, des excréments et des cadavres d’animaux. Cette litière a favorisé la création d’une nouvelle couche appelée « humus », à savoir une terre noire et souple, riche en minéraux, issus de la décomposition des matières organiques par la vie microbienne du sol, comprenant les bactéries et les champignons, ainsi que par la macrofaune, telle que les collemboles et les vers de terre.
Cette décomposition, réalisée par les organismes du sol, a rendu au sol des nutriments vitaux accessibles pour les végétaux. Avec le temps, l’accumulation de végétaux et d’organismes vivants, y compris les macro-organismes, a donné naissance à un nouvel horizon : l’horizon d’accumulation. Cet horizon, de plus en plus important, est le résultat de l’infiltration des eaux de pluie qui entraînent les éléments en profondeur. Il est la conséquence de l’altération et de la fragmentation de la roche en matières minérales telles que les argiles, les limons et les sables.
Cet horizon d’accumulation constitue le sol actuel, composé d’un certain pourcentage de matières minérales présentant différentes granulométrie (caractéristique immuable, semblable à l’ADN du sol).
Classification des sols :
En fonction du pourcentage d’argile, de limons et de sable, nous pouvons facilement classer les sols grâce au triangle des textures :
Dans les jardins de l’association Terre et Humanisme, nous travaillons sur un sol sableux-limoneux, malheureusement peu doté en argile, mais riche en calcaire.
Selon Albert Demolon, un sol fertile et facile à travailler devrait idéalement présenter une composition moyenne de :
- 60 à 70 % de sable et de limon
- 15 à 25 % d’argile
- 5 à 10 % de calcaire
- et 2 à 3 % de matières organiques
Le complexe organo-minéral ou complexe argilo-humique :
Pour que le sol devienne fertile et vivant, capable de nourrir les plantes pour qu’elles puissent s’épanouir en bonne santé, il est essentiel que son équilibre soit préservé, évitant ainsi le lessivage des minéraux par les pluies. Pour atteindre cet équilibre, l’humus, produit du monde organique, entre en symbiose avec le monde minéral, formant un complexe organo-minéral, également connu sous le nom de complexe argilo-humique. Cette interaction permet de retenir les minéraux en empêchant leur érosion tout en favorisant la formation de liaisons organiques qui améliorent la porosité des agrégats.
Cette symbiose est souvent facilitée par la présence de calcium Ca2+, chargé positivement, qui crée un pont calcique entre le monde minéral (argile) et le monde organique (l’humus), chargé négativement. En cas de carence en calcium, d’autres minéraux chargés positivement tels que le fer Fe2+ ou le magnésium Mg2+ peuvent être impliqués, mais le complexe formé est généralement moins stable et plus fragile, en particulier en période de sécheresse.
Dans le cadre de nos formations en agroécologie, les formateurs de Terre & Humanisme recommandent souvent un apport de calcium, par exemple sous forme de carbonate de calcium, à hauteur de 400 kg/ha. Cependant, cette recommandation implique généralement une approche indirecte, comme le compostage, pour favoriser un équilibre optimal du sol.
Nourrir son sol :
Nous avons précédemment abordé la formation du sol, résultant de la décomposition de la litière en humus (le monde organique) et de l’altération de la roche mère en éléments minéraux (le monde minéral), qui interagissent grâce aux complexes organo-minéraux. En agroécologie, notre levier d’action se concentre principalement sur le monde organique. Le ou la jardinier.ère a besoin de nourrir continuellement son sol pour le dynamiser et l’enrichir tout au long de sa vie. Mais aussi de le protéger, par exemple en installant un paillis organique qui maintiendra la vie du sol dans un environnement idéal, frais et humide et favorisera la micro et macrofaune.
Dans un jardin potager, on y cultive généralement deux à trois cultures gourmandes par an, dont les récoltes sont souvent exportées et non réintégrées au sol. Ainsi, le potager est un système anthropique, un environnement modifié par l’humain, où il est nécessaire d’accélérer le processus d’humification afin de disposer de suffisamment de nutriments accessibles aux plantes. En comparaison à une forêt en milieu naturel, dans celle-ci l’humus se forme naturellement grâce à la litière accumulée progressivement.
Ainsi, il est crucial pour le ou la jardinier.ère d’enrichir son sol avec des matières organiques équilibrées. Les sources de matières organiques varient et comprennent le compost (produit équilibré avec des capacités pré humiques riches), le fumier, les engrais verts, le paillis, le compostage en surface, etc.
Toutes ces contributions en matières organiques enrichissent et améliorent le sol, favorisant sa minéralisation, son stockage dans le sol et sa libération ultérieure aux plantes. L’enrichissement du sol permet également de modifier ses propriétés physiques, améliorant par exemple sa porosité et sa rétention d’eau, allégeant un sol argileux ou donnant de la structure à un sol sableux.
Par exemple, dans nos jardins pédagogiques du Mas de Beaulieu, les sols étaient à l’origine hérités de l’agriculture conventionnelle en culture de vigne et d’olivier (sol nu et travaillé). Ces sols étaient extrêmement durs, presque impossibles à pénétrer avec une grelinette à plus de 5 cm de profondeur. Ils ne résistaient pas aux fortes pluies, qui entraînaient un écoulement des éléments fins du sol directement vers les fossés de drainage, puis vers la rivière, et finalement vers la mer. En termes de rendement et de fertilité, les légumes de l’époque étaient médiocres, petits, malades et les sols avaient de grandes difficultés à rester frais et à retenir l’eau pendant les fortes chaleurs.
23 ans plus tard, nos sols ont été complètement transformés. Dans des conditions climatiques optimales (température et humidité), nous pouvons enfoncer notre bras jusqu’à 30 cm sans effort. Le sol a une couleur plus foncée, une structure grumeleuse agréable à travailler et se maintient bien en main. Les fortes pluies ne posent plus de problème, nos sols retiennent l’eau, et les rendements sont nettement supérieurs. Les légumes développent des racines profondes pour puiser tous les nutriments nécessaires, ce qui se traduit par une meilleure santé des plantes.
Protéger le sol est une priorité absolue étant donné sa grande complexité. Il est crucial de le traiter avec soin en adoptant des pratiques culturales respectueuses du sol, de l’environnement et de l’humain. Le sol nous fournit notre alimentation et joue un rôle crucial dans la sécurité alimentaire mondiale. Il est intrinsèquement lié à la biodiversité et à la survie de l’humanité.
Les pratiques culturales que nous mettons en œuvre en agroécologie favorisent des récoltes généreuses de légumes sains pour une alimentation durable. Ces pratiques contribuent à renforcer la biodiversité, à restaurer et à améliorer les écosystèmes. L’agroécologie ne se réduit pas à une simple méthode agricole ; c’est la clé pour une agriculture durable et résiliente face aux défis du changement climatique.
Article rédigé par Fred, jardinier-formateur-animateur et maître composteur chez Terre & Humanisme.