Article 2 : Bilan d’une saison d’expérimentation d’un méthaniseur (Suite)

Dans le précédent article il était question du principe général de la micro-méthanisation domestique. Ici nous allons préciser notre expérience sur la saison 2023 et les éléments importants pour bien faire fonctionner un biodigesteur, notamment les matières organiques valorisables et quelles utilisations pour le digestat.

Les matières organiques utilisées

Initialement notre méthaniseur est rempli entièrement avec de l’eau, on privilégie l’eau de pluie ou de source pour éviter l’eau chlorée du réseau. Notre modèle a une capacité de 1200 litres. Après l’inoculation avec de la bouse de vache fraîche, on va pouvoir l’alimenter de manière journalière avec des bio-déchets ou des ressources de nos jardins pédagogiques. La méthanisation est une fermentation anaérobie (sans oxygène) où l’on cherche à sélectionner des bactéries qui vont produire du méthane, les champignons n’interviennent pas dans la réaction. Ainsi il sera inutile de nourrir le bio-digesteur avec des matières que seuls les champignons peuvent digérer : bois, broyat, noyaux etc. La lignine ne sera pas digérée et va s’accumuler. Il y a donc un risque d’engorgement avec les matières très carbonées, surtout que notre modèle n’est pas vidangeable.

Pour une production efficace de biogaz, on cherche des matières facilement digérables. Nous avons testé ces matières, pour l’essentiel issues de nos jardins: algues, fumier de cochon, fiente de poule, pommes véreuses broyées, épluchures et restes alimentaires, consoude, huile ou matières grasses usagées, fumier de brebis …

Photos: Collecte des matières organiques

 

Nous avons alimenté le méthaniseur quasi quotidiennement de mai à octobre, avec 1 seau de 15 litres par jour  : 1⁄3 de matières organiques (5 litres) pour ⅔ d’eau (10 litres). Les matières doivent être broyées assez finement pour être vite digérées. En période froide on peut utiliser de l’eau chaude, cela va accélérer la cinétique de la réaction, sans produire plus de gaz au global.

Pour aller plus loin, voir le pouvoir méthanogène de différents matières organiques.

 

Comment utiliser le digestat ?

On récupère environ une quinzaine de litres de digestat par jour. Pour le moment nous n’avons pas installé de stockage, il est donc récupéré dans des seaux de 17 litres, et utilisé dans la foulée après le “nourrissage” du méthaniseur.

Le digestat est un liquide riche en nutriments (azote, phosphore, potassium etc.) et en bactéries. C’est donc un biofertilisant. Il contient des éléments directement assimilables par les plantes, on va donc l’utiliser pour des plantes en pleine croissance, au risque d’engendrer une pollution. Le digestat est préalablement dilué entre 10 et 20%, c’est-à-dire que l’on va mettre 1 à 2 litres dans un arrosoire de 10 litres et compléter avec de l’eau. C’est le même principe que l’utilisation de l’urine au jardin. Sans dilution, il y a un risque de “brûler les plantes”. L’arrosage se fera en racinaire, et non en foliaire.
On a privilégié la fertilisation des plantes gourmandes durant la saison (tomates, aubergines, etc.). A noter que l’effet sur la croissance de la consoude est impressionnant.

 

Par facilité de gestion ou quand nous n’avons pas besoin de fertiliser nos jardins il est également possible de composter le digestat, pour équilibrer un compost ou une matière avec un rapport C/N élevé. Nous l’avons utilisé au sein de centre agroécologique de deux manières :

  • pour accélérer la décomposition d’un tas de broyat frais, 
  • pour équilibrer nos composts de toilettes sèches qui sont en général trop carbonés.

La gestion quotidienne du digestat est un élément à ne pas négliger ! En effet, 15 litres quotidien de digestat représente une dizaine d’arrosoirs de 10 litres à épandre au potager chaque jour. On espace les arrosages d’au minimum 2 semaines pour chaque zone.
Un arrosoir permet de fertiliser 3m2. Cela implique donc d’avoir à disposition un jardin suffisamment grand pour l’utilisation du digestat (sauf à l’utiliser en compostage).

Photo : Valorisation du digestat

 

Production de biogaz : bilan et perspectives

La production de biogaz a débuté en mai 2023. Le démarrage a été quelque peu laborieux, mais le pic de production a été atteint en août, paradoxalement pendant la canicule. En effet, plus la température est élevée, plus la méthanisation est performante et productive (la température optimale de méthanisation étant de 38 degrés).

Photo : Fred récolte de la bouse de vache fraîche pour l’inoculation initiale

Ce pic a été atteint grâce à un processus bien établi avec les utilisateurs (les stagiaires en séjours d’immersion volonterres dans ce cas particulier). En effet, pour une production continue, il est nécessaire de nourrir le biodigesteur tous les jours sans exception. Il est donc crucial de bien former des responsables du remplissage du biométhaniseur.

Il est crucial de réfléchir à la collecte de matières organiques produites sur site, en effet en agroécologie on va limiter au maximum les intrants externes. Nous avons réussi à recycler une matière gênante et problématique pour nous : les algues “vertes” de la cuve de récupération des eaux de pluie et de phytoépuration. En plus de les recycler, nous avons réussi à les revaloriser. Elles ont constitué une contribution significative en matière organique, avec un pouvoir de méthanisation élevé. Cette ressource a été combinée en général  avec les crottes de notre cochon (truffette) et quelques pommes pourries ou véreuses du verger (préalablement coupées en morceaux). En cas de défaut de disponibilité de matière, nous disposons également d’une culture abondante de consoude et de luzerne. Ces plantes ont la capacité d’être coupées 5 à 6 fois par an, fournissant ainsi un apport régulier et massif de matière organique.

Quand le bio-méthaniseur a atteint son rythme de croisière, il a produit quotidiennement environ 700 litres de gaz non comprimé, ce qui équivaut à environ 1h30 de cuisson.

A noter qu’un option “toilettes sèches” est proposé par le fournisseur.

 

Problèmes rencontrés

Au démarrage, nous avons rencontré des problèmes avec le brûleur. Le brûleur principal cessait de brûler après quelques minutes. Après des recherches, nous avons résolu le problème en obstruant le brûleur principal avec un bouchon de ⅜ » tout en laissant les 5 brûleurs périphériques en fonctionnement.

 

Utilisation du biogaz

Dans le cas concret de notre projet d’utilisation du biogaz, nous l’utilisons exclusivement (pour le moment) à l’extérieur, notamment sur une cuisine d’été. Cela peut parfois poser des difficultés d’utilisation en cas de pluie, et surtout de vent. Il est important de rappeler que le brûleur peut parfaitement être utilisé en intérieur.

 

Stockage du biogaz

Il est essentiel de noter que le suivi du stockage revêt une grande importance. En cas de non-utilisation du gaz en production et si la poche est pleine, une soupape libère l’excès de biogaz (méthane + CO2) dans l’atmosphère. Le méthane étant un gaz à effet de serre puissant,  il est impératif de toujours veiller à une utilisation judicieuse du biogaz. En cas d’absence, il est recommandé de connecter la sortie du gaz à, par exemple, un ballon de baudruche ou toute poche en plastique gonflable afin de stocker le méthane pour une utilisation ultérieure (voir les solutions proposées par l’association Picojoule)

 

Entretien d’un biométhaniseur en hiver

Nous allons passer notre premier hiver avec le biométhaniseur. Il est actuellement en pause en raison de l’arrêt de l’activité des volonterres depuis fin octobre et de la température trop basse de l’hiver.

 

Conseils d’entretien

Pendant l’hiver, il est recommandé de nourrir légèrement le biomethaniseur au moins une fois par semaine pour continuer à favoriser l’émergence et la disponibilité des bactéries méthanisatrices.(si possible avec de l’eau bien chaude)
Il est également possible d’isoler le biométhaniseur du froid avec des bottes de paille, par exemple.

 

Aller plus loin :

 

Auteurs : Frédéric Fortin et Arnaud Vens, formateurs en agroécologie chez Terre & Humanisme

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