Hervé Chabert, auteur du livre « Mon balcon en permaculture » – ancien stagiaire chez T&H, a créé son potager-balcon sur 10m2

Léa : Tu es jardinier en ville sur un potager-balcon, auteur du livre « Mon jardin en permaculture » paru aux Editions Terre Vivante (en vente dans notre boutique solidaire !), et fondateur d’un site internet autour du jardinage… d’où t’es venue cette passion pour le jardin ?

HC : J’ai assisté à une conférence de Pierre Rabhi en 1997, je n’étais alors pas du tout au courant de cette mouvance et vision des choses, et ça m’a frappé. J’ai trouvé ce qu’il disait très juste et ça m’a ouvert les yeux. J’ai ensuite pris des parts pour la SCI du Mas de Beaulieu pour aider T&H à s’installer en Ardèche. Plusieurs années après, je suis venu en vacances pas loin de T&H, et je me suis dit « tiens, je connais cet endroit » ! Je suis passé voir et j’ai sympathisé avec les personnes sur place, j’ai vu que T&H proposait un stage « Potager agroécologique » et je me suis inscrit.
J’ai suivi ce stage en 2009, j’ai beaucoup aimé, j’ai rencontré beaucoup de personnes intéressantes, notamment à l’époque Erik (ndlr : ancien jardiner-animateur) et Valo (ndlr : jardinier-formateur toujours présent), c’était très dense et intense en 5 jours.
Suite à ce stage, j’ai acheté un lombri-composteur, et j’ai commencé à faire mon propre compost dans mon appartement. Au bout de quelques mois j’ai eu des moucherons et l’été suivant je l’ai mis sur le balcon. J’ai aussi rapidement acheté des tables de culture et je me suis lancé.
Dès le départ, j’ai ressenti beaucoup de joie en cultivant sur mon potager-balcon.

Le fait de venir au Mas de Beaulieu, de voir les jardins et de voir les gens heureux de cultiver, c’est vraiment ce qui m’a donné le plus envie de me lancer en jardinage ! L’ambiance générale, l’atmosphère détendue, plein de fleurs et plein d’insectes, c’était beau et ça m’a donné envie.

Ensuite, j’ai suivi de nombreux autres stages avec T&H, dont le stage « Cuisine végétarienne » et un stage « Approches de la permaculture ».
Le Mas de Beaulieu a été un révélateur pour moi : c’était déjà dans ma nature de cultiver, mais ce lieu m’a aidé à démarrer tout ça.

Hervé chabert sur son potager-balcon

Léa : On peut dire que ton potager-balcon est un succès : peux-tu nous le présenter rapidement ? Combien de variétés cultives-tu ? Cela te permet-il d’arrêter d’acheter des légumes ?

HC : Ce n’est pas mon but d’être autonome en légumes, et en plus on ne peut pas produire une quantité importante de légumes de base sur une si petite surface (10m2). Donc un balcon est très insuffisant en terme de place. Mon idée était plutôt d’axer les cultures sur la diversité des plantes et des variétés. Les objectifs sont de favoriser la biodiversité en ville, de recréer un lien avec la nature, de cultiver des variétés originales qu’on trouve pas dans le commerce, de participer à la conservation des variétés anciennes. Il s’agit aussi de laisser un maximum de vie sauvage pour les insectes et autres petites bêtes. Ça apporte de la convivialité, du bien-être, des rencontres avec les voisins… beaucoup de choses positives !
Dans mon livre on retrouve bien les 20 raisons de cultiver sur un balcon.. et il pourrait y en avoir beaucoup d’autres.

Léa : Alors justement, on entend parfois que le jardin serait réservé aux « bobos » ou aux riches, car tout le monde n’a pas accès à une parcelle : que réponds-tu à ces critiques ?

HC : Les gens disent ce qu’ils veulent… Quoi que l’on fasse, il y aura toujours des personnes  pleines d’entrain, d’autres qui critiquent (et restent souvent les bras croisés). Surtout en ce moment, il faut se concentrer sur les choses positives, en plus c’est excellent pour le système immunitaire ! Mais je rencontre globalement dans ma vie beaucoup plus de gens qui adorent jardiner, qui partagent cette passion, que de gens qui critiquent !
J’ai une parcelle pour les jardins familiaux de Maison-Alfort depuis quelques années, je récupère des plants là-bas pour mon potager-balcon et vice versa. Dans les jardins familiaux ça brasse beaucoup de gens, des populations avec peu de moyens, des retraités qui vivent dans des immeubles et des tours…
Les personnes qui critiquent devraient venir voir ces jardins familiaux et ils verront que le jardinage rassemble toutes les classes sociales.

Léa : J’imagine que tu passes beaucoup de temps à t’occuper de ton potager-balcon. Pourrais-tu nous donner une idée du temps effectif (par semaine par exemple) que tu y passes ?

HC : C’est complètement inégal. Je m’en occupe quand j’ai le temps. J’ai un métier de prof en classe prépa donc sur l’année scolaire j’y passe peu de temps. Pendant cette période, disons entre octobre et avril, j’y passe environ 15min / semaine…
En revanche au printemps j’y passe une après-midi complète, par exemple 4h pour tout remettre à plat : compost, refaire les bacs etc.
C’est une question d’organisation, de matériel etc. Une fois qu’on a tout, ça prend beaucoup moins de temps que ce qu’on peut imaginer au départ. Si je veux de tout temps avoir un potager magnifique, alors ça me prendra plus de temps.
Moi j’ai beaucoup de plantes vivaces, légumes perpétuels et sauvages comestibles, cela me prend peu de temps finalement de s’en occuper. Ce qui prend du temps c’est plutôt les légumes annuels. Moins on a de connaissances, et plus ça prend de temps aussi car il faut toujours faire, refaire, observer, se tromper et recommencer.
Il y a forcément un investissement en temps en départ – mais une fois que c’est lancé on y passe de moins en moins de temps.
En ce moment, au printemps, je vais y passer plus de temps pour tout remettre en place, mais après je n’aurais plus qu’à arroser.

Quelqu’un qui a peu de temps : je lui conseille de mettre sur son potager-balcon plutôt des légumes perpétuels, des vivaces comestibles et aromatiques, et là il faudra juste arroser l’été, sinon il n’y a presque rien à faire.

A la fin de mon livre, j’ai fait une liste de 300 variétés à cultiver, car le choix est immense donc suivant le temps qu’on a et ce qu’on veut faire, on peut vraiment planter des choses différentes.

Potager balcon

Léa : Tu as mis en place un lombri-composteur sur ton potager-balcon, pour enrichir ta terre avec les déchets organiques de ta cuisine, quels conseils donnerais-tu aux urbains qui souhaitent se lancer mais ont peur des moucherons, des mauvaises odeurs ou autre ?

HC : Je n’ai jamais eu de mauvaise odeur au début, j’ai eu quelques moucherons et je l’ai donc mis dehors.
Il faut vraiment comprendre que c’est faux : le lombri-compost ne sent pas mauvais ! L’attitude des personnes pour qui ça ne fonctionne pas, n’est pas la bonne.
Le lombri-composteur c’est un digesteur, comme notre intestin :  si on mange de la mauvaise nourriture en trop grande quantité, on ne sera pas en bonne santé. C’est pareil pour le composteur. Le défaut le plus fréquent est de mettre beaucoup trop de déchets au départ, alors que les vers ne se sont pas multipliés et ne peuvent pas absorber la nourriture.  Il faut du temps pour que l’équilibre se mette en place (6 mois), il faut de la patience dans la vie, comme pour  tout…
Le lombri-compost marche très bien si on fait attention à ce qu’on y met et c’est assez simple, à condition d’observer et d’essayer de comprendre ce qui se passe. Dans mon livre,  je présente quelques erreurs de base à éviter.

Léa : Tu t’es formé au Potager agroécologique, puis à la permaculture avec Terre & Humanisme au début des années 2010. Pourrais-tu nous donner pour chacun de ces stages 3 éléments marquants qu’ils t’ont apporté, que ce soit au niveau technique ou au niveau humain ?

HC :
Un souvenir marquant du stage Potager agroécologique :
> on a fait un compost ensemble, avec plein de couches les unes sur les autres, très bien fait. C’était une expérience de compostage pratique, très aboutie. L’atelier pratique du compost m’a vraiment marqué.

  • L’importance des aspects pratiques dans les stages à T&H leur donne une grande qualité. La théorie et la pratique sont très bien mélangées. Ca s’alterne vraiment bien.

Stage Cuisine végétarienne :
> l’approche de la formatrice était vraiment fondée sur la créativité. Elle nous laissait nous exprimer avec les légumes récoltés au ardin. On ne suivait pas des recettes précises, mais on donnait libre cours à notre imagination. C’est l’état d’esprit de la permaculture qu’on retrouve en cuisine. Ça m’a vraiment marqué pour la suite, oser sortir d’un cadre et laisser aller sa créativité, même au jardin.

Stage Approches de la Permaculture : (le stage qui m’a le plus inspiré pour ma pratique ultérieure)
> La créativité était présente aussi dans ce stage. Il n’était pas question d’une méthode à laquelle il fallait souscrire mais beaucoup plus d’un état d’esprit donnant toute sa place à l’observation et la diversité des expériences. En gardant cette vision, j’ai ensuite testé beaucoup de choses sans m’arrêter aux « règles » présentées dans les livres de jardinage.

  • Les différents intervenants de ce stage, qui pratiquaient la permaculture depuis longtemps, ne suivaient pas une idéologie de « il faut faire ça ou ça » – mais au contraire étaient très humbles et ouverts !
    On avait visité le Collectif de Dompnac, un lieu où une dizaine de personnes faisaient de la permaculture ensemble. LeStagiaires Potager Ardèches jardins étaient magnifiques et à midi on a mangé une salade délicieuse réalisée avec des plantes sauvages que l’on avait récoltées nous-même : un petit moment de paradis !

On acquiert des connaissances pendant ces stages, mais ce n’est pas la vérité absolue, on ne dit pas « c’est comme ça et pas autrement ». On laisse une grande place à l’inattendu, à la vie etc. J’ai beaucoup apprécié ça.

 

 

 

Léa : Que conseillerais-tu à des jardiniers en herbe qui veulent se lancer sur une petite surface ou sur un potager-balcon comme toi ?

HC : Lancez-vous tout de suite, ne réfléchissez pas trop longtemps : semez, repiquez, faites une première action tout de suite ! N’attendez pas d’avoir fait un stage avant de commencer.
Il faut mettre les mains dans la terre avant tout, créer sa relation avec le vivant et les plantes.
Le jardinage, ça ne s’apprend pas que dans les livres, l’essentiel est dans la relation avec la nature, l’observation…

Léa : Et pour terminer, si tu étais un végétal, que serais-tu et pourquoi ?

HC : J’ai du mal à m’identifier à une seule plante  – j’ai plutôt un un lien avec toutes les plantes.  On a souvent tendance à vouloir isoler en oubliant la visions globale mais en réalité, sans les plantes  on ne pourrait pas vivre sur terre. On est complètement dépendant d’elles (elles sont autotrophes, ce sont  les seules qui peuvent croître directement grâce à l’énergie du soleil). Ce que je ressens donc  vis-à-vis d’elles est une immense gratitude et beaucoup de  respect ! J’ai un faible pour les plantes médicinales,  un jardin sauvage est une véritable pharmacie vivante et on a tort de ne pas leur accorder toute la valeur qu’elles ont. Il faut les étudier et apprendre à les utiliser beaucoup plus largement..!

Entretien réalisé par téléphone le jeudi 25 mars 2021 par Léa Ostermann.

 

 

 

 

 

 

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